shutterstock_345810488Le 06/10/2016. Il n’est pas rare d’entendre des gens qui reviennent d’un voyage dans un pays lointain attester que là-bas les gens sont certes beaucoup moins riches mais qu’ils sont, en contrepartie beaucoup plus heureux. La preuve avancée est souvent le sourire que ces personnes affichent. Cette joie apparente suffit-elle pour autant à dire qu’ils sont plus « heureux » ?

« La richesse est un voile qui couvre bien des plaies » disait le dramaturge grec Ménandre. L’argent permet effectivement d’acheter beaucoup de choses gratifiantes, essentielles ou accessoires. Il paraîtrait donc logique que, fort de leur situation financière privilégiée, les habitants des pays riches soient plus heureux que les habitants des pays pauvres.

L’intuition est bel et bien vérifiée par les recherches scientifiques. Depuis les années 1990, de nombreuses études internationales ont obtenu une relation très clairement positive entre le revenu moyen dans un pays et le bonheur moyen dans ce pays. Plus les pays ont un PIB par habitant élevé, plus leurs habitants se déclarent en moyenne heureux et satisfaits de leur vie.

À partir des résultats de l’enquête Gallup World Poll publiés dans le World Happiness Report, le graphe ci-dessous présente le PIB par habitant de groupes de pays en fonction de leur position dans le classement international du niveau de bonheur. Plus les pays sont situés haut dans ce classement (qui inclut 156 pays), plus leur PIB par habitant (médian) est élevé. Les 10 % des pays les plus heureux sont un club de pays riches, dont le PIB par habitant médian est 50 000 dollars.

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Données : Gallup World Poll, mai 2011. Évaluation de la vie sur l’échelle de Cantril. 

Source: World Happiness Report 2012, M. Mangot.

Des pays riches moins sensibles à l’argent
Ainsi la relation entre la richesse d’un pays et le bonheur de ses habitants (en tout cas leur satisfaction de la vie) est-elle très nette. Les pays heureux tendent à être des pays riches et les pays riches tendent à être des pays heureux.

La relation positive observée n’est toutefois pas linéaire. Plusieurs travaux ont montré qu’elle répondait à la loi économique des rendements marginalement décroissants : un dollar ou un euro supplémentaire de revenus par habitant accroît davantage le bonheur des habitants des pays pauvres que celui des habitants des pays plus riches. À l’échelle des pays, la relation entre revenus et bonheur est donc concave. En revanche, augmenter le revenu moyen d’un même pourcentage semble avoir le même effet sur le bonheur dans les pays riches que dans les pays pauvres.

La joie de vivre dans les pays émergents

L’effet positif du niveau de développement est surtout remarquable sur la satisfaction de la vie. Lorsque ce qui est mesuré par les chercheurs n’est plus cette représentation cognitive de sa vie mais  le type d’émotions (positives, négatives, ou la différence des deux) vécues un jour donné, là le résultat dépend beaucoup moins du niveau de revenus moyen des pays. En haut des classements internationaux, on ne retrouve plus uniquement des pays riches mais également beaucoup de pays au niveau de revenus intermédiaire, notamment des pays d’Amérique latine, particulièrement bien classés pour la fréquence des émotions positives (Costa Rica, Panama, Salvador…). Lorsque l’on voyage dans ces pays, on rencontre effectivement davantage de gens joyeux. Mais de là à dire qu’ils sont plus heureux…

(Le contenu de cet article est tiré du livre Heureux comme Crésus ? Leçons inattendues d’économie du bonheur, éditions Eyrolles)