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Le 21/11/2016. A l’occasion de la Journée Mondiale de la Télévision, le 21 novembre, l’IEB présente dans une série de trois articles plusieurs résultats intéressants de la recherche sur la relation entre consommation de télé et bonheur. Deuxième partie: l’effet sur les perceptions économiques du temps passé devant la télévision. 

La télévision n’a pas comme seul effet néfaste pour le bonheur de prendre du temps sur les relations sociales. La consommation de télé modifie aussi la perception qu’ont les téléspectateurs des niveaux de vie à l’intérieur de la société, en élevant les points de référence auxquels ils se comparent. Les téléspectateurs sont submergés d’images de gens plus riches qu’eux, images qui ne correspondent pas à la réalité. Les chercheurs[i] ont observé que la télé et la pub montraient un monde composé de beaucoup plus de gens riches que le monde réel. Les années 1980 ont sans doute offert le summum de la distorsion avec la déferlante de séries américaines (voir le tableau 1) sur la vie des super-riches, à destination des adultes (Dallas, Dynastie, Les Feux de l’amour…) comme des ados (Arnold et Willy, Ricky ou la belle vie…).

Tableau: Les séries américaines sur la vie des riches (années 1980)

Nom de la série Dates de diffusion aux Etats-Unis
The Young and the Restless (Les Feux de l’amour) depuis 1973
Dallas 1978-1991
Different Strokes (Arnold et Willy) 1978-1985
Knots Landing (Côte Ouest) 1979-1993
Hart to Hart (Pour l’amour du risque) 1979-1984
Magnum 1980-1988
Dynasty (Dynastie) 1981-1989
Silver Spoons (Ricky ou la belle vie) 1982-1986
Santa Barbara 1984-1993
The Bold and the Beautiful (Amour, gloire et beauté) depuis 1987

D’où une distribution des revenus complètement inversée entre le monde projeté et le monde réel. Si les super-riches sont moins l’objet de séries aujourd’hui qu’il y a trente ans, les personnages représentés dans les publicités, les films et les séries continuent d’appartenir aux catégories socioprofessionnelles élevées et à afficher un train de vie bien supérieur à celui auquel ils auraient droit dans la vraie vie compte tenu de leur situation professionnelle. La conséquence est que les personnes qui regardent énormément la télévision ont une perception erronée du revenu moyen[ii], de leur propre place dans la distribution des revenus et des niveaux de vie, ce qui a tendance à heurter leur satisfaction. À revenus identiques, les personnes qui regardent plus la télévision sont moins satisfaites de leurs revenus (et de leur vie en général) que celles qui la regardent moins.

 

American Dream

Par la distorsion des représentations qu’elle suscite, la télé rogne également le bonheur des téléspectateurs des pays en développement. Il a été observé que l’exposition aux séries télé américaines dans les pays émergents conduit les téléspectateurs à avoir une perception déformée des niveaux de vie des ménages aux États-Unis, ce qui alimente une moindre satisfaction de leur vie et de la société dans laquelle ils vivent, comme cela a par exemple été montré chez les téléspectateurs de Corée du Sud et d’Inde[iii]. L’effet diminue lorsque les téléspectateurs ont des connaissances aux États-Unis qui les renseignent sur la vie réelle dans ce pays.

[i] Condry J. (1989), The Psychology of Television, Lawrence Erlbaum Associates.

[ii] O’Guinn T. et Shrum L. (1997), « The role of television in the construction of consumer reality », Journal of Consumer Research, 23, 278-294.

[iii] Yang H., Ramasubramanian S. et Oliver M. (2008), « Cultivation effects on quality of life indicators: Exploring the effects of American television consumption on feelings of relative deprivation in South Korea and India », Journal of Broadcasting and Electronic Media, 52 (2), 247-267.