la-révolution-silencieuse-des-seniorsLa révolution silencieuse des séniors est un ouvrage collectif du Cercle Turgot écrit sous la direction de Jean-Louis Chambon (Editions Eyrolles, octobre 2017).  La contribution de Mickaël Mangot, directeur général de l’Institut de l’Economie du bonheur, porte sur la question du bonheur des retraités : « Faut-il attendre la retraite pour être heureux ? »

Si longtemps la retraite fut synonyme de misère et de santé déclinante, au fil des générations cette image s’est écornée. Portés par des pensions et un patrimoine souvent confortables [i], les retraités semblent aujourd’hui profiter de la vie, ayant le temps et l’énergie d’enchaîner les activités sportives, culturelles, récréatives et sociales, quand ils ne sont pas en voyage.

Pourtant la retraite pourrait aussi être vécue comme un choc. C’est la fin brutale de la vie productive, en tout cas la fin du travail. L’agenda est beaucoup plus vide et l’on perd progressivement de vue ses anciens collègues. Et puis, même si les retraites sont élevées (par rapport aux salaires des actifs plus jeunes), elles restent inférieures aux derniers salaires touchés (le taux de remplacement moyen est de 70% en France), entraînant une baisse significative du pouvoir d’achat.

Au final, les retraités sont-ils des gens plutôt heureux ? Pour répondre à cette question intelligemment, les économistes du bonheur différencient l’effet de l’âge de l’effet de l’arrêt du travail.

L’âge d’or

Pour un individu lambda, le bonheur ne sera pas constant durant toute sa vie. Les chercheurs ont observé un schéma typique de fluctuation au cours des différents âges. Dans la plupart des pays développés, il prend la forme d’une courbe en forme de vague [ii] qui commence haut durant la jeunesse pour diminuer jusqu’à atteindre un creux vers 45-50 ans. Avant de remonter et de toucher son sommet au début de la retraite. Puis de décliner à nouveau à partir de 70-75 ans.

Les jeunes retraités forment donc, en moyenne, la classe d’âge la plus heureuse. L’effet n’est-il pas pour autant brouillé par d’autres variables que l’âge qui fluctueraient fortement au cours de la vie, à commencer par les revenus et la situation conjugale ? Cédric Afsa et Vincent Marcus, qui travaillent à l’INSEE, ont analysé 25 années de données de l’Eurobaromètre collecté par la Commission Européenne [iii]. A partir de ces données, ils ont pu distinguer l’effet de l’âge sur le bonheur de celui d’autres facteurs. Les données brutes montrent bien la vague déjà observée par ailleurs. Quand on sépare l’effet des revenus, la courbe de la satisfaction de la vie  selon l’âge garde sa forme de vague mais prend une amplitude encore plus marquée, avec des quadragénaires encore moins heureux et des jeunes sexagénaires encore plus heureux. A l’échelle européenne, les revenus relativement élevés des quadragénaires ont joué pour eux un rôle de tampon tandis que les revenus plus faibles des sexagénaires ont amputé un peu leur satisfaction de la vie. De manière identique, la situation conjugale ne transforme pas radicalement la courbe. La seule différence remarquable concerne les quadragénaires qui profitent d’être plus souvent en couple que les cohortes plus jeunes. Sinon, compte tenu de leur âge, leur satisfaction de la vie serait encore plus faible.

Lire le chapitre complet

 

[i] Mangot M. (2012), Les générations déshéritées, Eyrolles.
[ii] Qu L. et De Vaus D. (2015), « Life satisfaction across life course transitions », Australian Family Trends, N°8.
[iii] Afsa C. et Marcus V. (2008), « Le bonheur attend-il le nombre des années », France, portrait social, INSEE.