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INTERVIEW. L’Express-VotreArgent, le 18/11/2016. Propos recueillis par Aurélie Blondel. Acheter sa maison, s’offrir un voyage… Nos décisions budgétaires impactent nos finances, bien sûr, mais aussi notre bonheur. De quelle manière ? Figurez-vous qu’une discipline économique a justement pour objectif de répondre à cette question et d’analyser les liens entre situations économiques (personnelle et globale) et bien-être. Née aux Etats-Unis, l’économie du bonheur a aujourd’hui son institut en France, inauguré jeudi par son fondateur, l’économiste Mickaël Mangot.

L’Express-VotreArgent : L’économie du bonheur, ça fait sourire… Pourquoi lui dédier un institut ?

Mickaël Mangot : C’est une discipline académique très sérieuse, qui a émergé dans les années 1970 grâce au travail de l’Américain Richard Easterlin. C’est lui qui a montré que le bonheur moyen dans les pays développés ne progressait plus malgré la croissance.

Les études sur lesquelles s’appuie l’économie du bonheur s’intéressent au bonheur déclaré. On mesure l’influence sur le bonheur des revenus, de l’épargne, du patrimoine, des dettes, etc., en interrogeant les personnes sur leur bonheur à court terme (émotions), moyen terme (satisfaction de la vie) et long terme (bien-être psychologique). La discipline est désormais bien installée en Europe, en Italie et Allemagne notamment. Notre objectif, à l’Institut, est de diffuser toute cette recherche en économie du bonheur auprès des agents économiques, afin de ré-enchanter et d’optimiser les comportements économiques. En leur redonnant du sens.

Quels comportements sont les plus susceptibles de nous rendre heureux en matière de gestion de notre argent ?

Côté consommation, ce qui est clair, c’est que l’achat de biens matériels procure un bonheur très éphémère. On sous-estime toujours l’effet d' »adaptation hédonique », notre tendance à nous adapter vite à tout ce qui dope notre bien-être. Au final, le supplément de bonheur apporté par l’acquisition d’une maison dure en moyenne un an seulement (alors que vous la remboursez pendant 25 ans…). Trois mois pour une voiture. Au contraire, dépenser pour des expériences comme des voyages ou des loisirs procure un bonheur durable, qui débute avant l’achat et se poursuit longtemps après.

 Et on s’adapte moins vite à un achat quand il permet de se débarrasser d’émotions négatives – le bonheur induit est alors plus durable. Mieux vaut donc payer pour supprimer un élément source d’un vrai problème dans votre vie (ex : acheter une voiture si vous souffrez d’un manque de mobilité) que pour améliorer un élément déjà positif (acheter une maison plus grande pour plus de confort).

Autre enseignement de l’économie du bonheur : le don rend heureux ! Les études montrent qu’un euro donné a le même effet sur le bonheur que 10 à 20 € de revenu… Ce qui est important dans le don, c’est qu’il est choisi. A l’inverse, personne n’a jamais montré que l’impôt rendait heureux, alors qu’il a au final la même utilité que le don. Le côté subi a un impact très négatif sur la perception de l’acte.

Tout est donc souvent question de perceptions ?

Voyez par exemple cette étude américaine publiée en avril. Les chercheurs ont interrogé près de 600 clients d’une banque britannique et ont découvert que ceux qui avaient le moins de liquidités se disaient plus stressés économiquement et moins satisfaits de leur vie que ceux qui avaient des sommes plus importantes disponibles sur leurs comptes en banque. Et ce, même quand les premiers avaient, de leur côté, des revenus ou un patrimoine total plus élevés… L’épargne liquide influence plus le bonheur que l’épargne non liquide, elle confère une impression de sécurité financière. Idem : une personne sans dettes avec 100 000 € de patrimoine dira en moyenne plus heureuse qu’une personne avec 150 000 € de patrimoine et 50 000 € de dettes.

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