propriétaireLe 26/01/2017. Louer ou acheter ? La question se fait d’autant plus pressante que les taux d’intérêt des prêts immobiliers ont amorcé depuis quelques mois une remontée. Au-delà des calculs de rentabilité de l’investissement immobilier, que peut nous apprendre l’économie du bonheur ?

De nombreux résultats d’études académiques laissent penser que devenir propriétaire apporte en soi son lot de bienfaits psychologiques. Quand on suit des cohortes dans le temps, les personnes qui deviennent propriétaires affichent un surplus de satisfaction de la vie par rapport à celles, comparables, qui sont restées locataires[i]. De même, les propriétaires qui ont déclaré avoir acheté dans l’année sont plus heureux que les propriétaires dont l’acquisition remonte à des temps plus anciens[ii].

Il y a donc, au moins à court terme, un effet positif de l’accession à la propriété. Outre l’avantage économique, lequel se fait davantage sentir à mesure que le temps passe, plusieurs mécanismes sont susceptibles d‘expliquer cet effet.

  • une meilleure qualité du logement ;
  • une plus grande implication sociale au niveau local ;
  • une sensation de maîtrise de sa vie ;
  • une estime de soi rehaussée couplée à un statut social amélioré.

Commençons d’abord par le logement en lui-même. Les propriétaires sont en général davantage satisfaits de leurs logements que les locataires. D’ailleurs, les personnes qui achètent le logement qu’ils occupaient en tant que locataires voient leur satisfaction vis-à-vis de ce logement augmenter durant l’année suivant l’acquisition[iii]. Cela se produit sans doute parce qu’ils y font des travaux qui rendent le logement plus adapté à leurs besoins, leurs envies et leurs goûts. Par ces travaux, leur logement a peut-être aussi changé de statut à leurs yeux, devenant un marqueur de leur identité.

A présent, sortons du logement et sillonnons le voisinage. Là aussi les propriétaires se disent davantage satisfaits que les locataires. Une explication proposée et validée par la recherche est que les propriétaires s’impliquent davantage dans la vie de quartier[iv], que ce soit dans les associations ou dans les institutions politiques locales. Intéressés financièrement par les évolutions de leurs quartiers (la valeur de revente du bien en dépendra) et ayant aussi  l’intention d’y rester plus longtemps, les propriétaires s’engagent davantage.

Des bienfaits conditionnels à devenir propriétaire

La plus grande implication des propriétaires dans et en-dehors du logement alimente chez eux une sensation de maîtrise agréable. Du moins quand tout va bien, car l’effet peut très bien s’inverser, par exemple lorsque le propriétaire assiste impuissant à la dégradation ou à la montée de la délinquance dans son quartier[v].

L’effet de la propriété sur la sensation de maîtrise est globalement ambigu et largement conditionnel au voisinage. D’un côté, par rapport au locataire, le propriétaire est plus autonome. Grâce à son droit de propriété, iI a un contrôle total sur les opérations de maintenance, d’amélioration et de transformation de son logement, tout en étant le seul décideur du moment où il devra quitter les lieux. D’un autre côté, il voit son patrimoine et sa qualité de vie soumis aux évolutions du marché immobilier (local et national) ainsi qu’aux décisions de ses voisins et de ses éventuels copropriétaires. Et il peut se sentir submergé, financièrement et logistiquement, par les travaux à effectuer quand le logement est dans un état moyen ou vétuste. En Allemagne, avoir des travaux importants à effectuer dans son logement fait plus que compenser l’effet positif de la propriété, surtout chez les personnes dont les mensualités du crédit immobilier imposent une tension budgétaire forte[vi].

L’effet sur l’estime de soi et le prestige social est tout aussi conditionnel. L’accès à la propriété est un signe intérieur ou extérieur de réussite uniquement pour ceux qui en ont besoin. En cela il n’est pas étonnant d’observer que la propriété immobilière augmente la satisfaction de la vie uniquement chez ceux qui ont une situation socio-économique modeste[vii]. Les personnes avec des revenus élevés savent qu’elles peuvent acheter, et leurs proches aussi. Et n’ont pas nécessairement à s’y résoudre.

Un effet plus marqué pour les couples propriétaires

Enfin, un autre facteur vient donner une coloration particulière à l’achat d’un logement : la situation matrimoniale. L’effet positif de la propriété sur le bonheur est beaucoup plus net pour les personnes en couple que pour les personnes seules[viii]. Pour les couples, l’achat d’un logement a une dimension encore plus symbolique.

 

[i] Rohe W.M et Basalo V. (1997), « Long-term Effects of Home Ownership on the Self-perceptions and Social Interaction of Low-income Persons », Environment and Behaviour, 29(6).
[ii] Zumbro T. (2014), «  The Relationship Between Homeownership and Life Satisfaction in Germany », Housing Studies, 29(3).
[iii] Diaz-Serrano L., Ferrer-i-Carbonell A. et Hartog J. (2009), « Disentangling the Housing Satisfaction Puzzle: Does Homeownership Really Matter? », Working Paper.
[iv] DiPasquale D. et Glaeser E. (1999), « Incentives and Social Capital: Are Homeowners Better Citizens? », Journal of Urban Economics, 45(2).
[v] Geis K. et Ross C. (1998), « A New Look at Urban Alienation: The Effect of Neighborhood Disorder on Perceived Powerlessness », Social Psychology Quarterly, 61(3).
[vi] Zumbro (2011), op cit..
[vii] Bloze G. et Skak M. (2010), « Homeownership and subjective well-being », Discussion papers on Business and Economics, University of Southern Denmark
[viii] Stillman S. et Young Y. (2011), « Does Homeownership increase personal wellbeing? », Hilda Conference 2011 Discussion paper.