happinessLe 20/03/2017. Difficile de définir le bonheur tant le concept est ambigu, polymorphe et finalement très personnel. L’économie du bonheur fait la synthèse des grands courants de la philosophie et de la psychologie qui traversent l’Histoire, pour proposer une définition englobant différentes dimensions. Explications.

 

Le bonheur, un état mental de bien-être, mais encore ?

A minima, le bonheur est pour l’individu qui le vit un état mental de bien-être caractérisé par la survenue de phénomènes psychiques positifs. Une fois cette amorce de définition posée, de multiples questions restent ouvertes :

  • S’agit-il d’un état mental temporaire ou durable ? Dit autrement, est-on soi-même heureux ou vit-on seulement des moments heureux ?
  • Quels phénomènes psychiques y sont associés ? Des émotions, des sentiments, des pensées ?
  • Si le bonheur est avant tout émotionnel, à quelles émotions positives le rattache-t-on ?

Les philosophies du bonheur

Traditionnellement deux approches philosophiques du bonheur se font face.

L’approche hédonique considère que le bonheur relève d’une vie plaisante, caractérisée par la multiplication des plaisirs et l’évitement des douleurs.

L’approche eudaimonique considère, elle, que le bonheur relève de l’expérience d’une vie juste, à la fois équilibrée, engagée (dans le service de la cité ou de Dieu) et signifiante. Cette vue, dominante dans les philosophies et spiritualités antiques aussi bien occidentales (chez Aristote, Épicure, les stoïciens, puis au sein de l’Église catholique) qu’orientales (dans le bouddhisme), voit dans ce bonheur-sagesse un bonheur supérieur au bonheur-plaisir car il serait plus conforme à l’essence même de l’homme et, de par sa nature immanente, moins volatil.

La vision eudaimonique du bonheur a progressivement perdu sa prééminence à partir de la Renaissance. Au XVIe siècle, Ronsard et les poètes humanistes ont remis au goût du jour les plaisirs immédiats du Carpe diem. La Réforme protestante s’est élevée contre la doctrine de l’Église catholique selon laquelle les hommes pouvaient obtenir le salut divin par l’exercice d’une vie vertueuse. Au XVIIe siècle, Hobbes a installé l’idée d’un homme mû par ses seuls intérêts personnels et affirmé la nécessité d’institutions pour les contrôler. Au XVIIIe, les Lumières ont défendu le droit au bonheur individuel face à l’arbitraire des dictatures et des religions. Enfin, à la fin du même siècle, Bentham a théorisé le concept d’utilité, définie comme la somme des plaisirs et des douleurs de l’individu, concept qui s’est installé au coeur de la théorie économique moderne. Depuis lors, les individus sont censés, selon les économistes, maximiser leur utilité à chaque décision. Homo economicus est ainsi profondément individualiste et hédoniste.

Les trois dimensions du bonheur

Les nouveaux courants de la psychologie du début du XXIe siècle épousent ces variations. La psychologie hédonique s’intéresse au plaisir et à la satisfaction quand la psychologie positive étudie l’épanouissement des individus vis-à-vis de leurs besoins psychologiques fondamentaux.

Prenant acte des différents courants de recherche, Daniel Nettle, psychologue à l’université de Newcastle, voit dans le bonheur un terme polyvalent pour lequel on peut finalement distinguer trois niveaux.

  • Le bonheur de « niveau 1 » traduit l’expérience de plaisirs momentanés.
  • Le bonheur de « niveau 2 » consiste en des jugements sur ses sentiments.
  • Le bonheur de « niveau 3 » représente le bien-être profond que ressent l’individu qui exprime tout son potentiel.

Les sciences du bonheur reprennent aujourd’hui ce trio en différenciant trois dimensions du bonheur, auxquelles correspondent des indicateurs adaptés :

  • la dimension émotionnelle, représentée par le « bien-être émotionnel » ;
  • la dimension cognitive, reflétée par la « satisfaction de la vie » ;
  • la dimension psychologique, traduite par le « bien-être psychologique » (sensations d’autonomie, de contrôle, de connexion aux autres, de sens à sa vie…)

Les trois dimensions du bonheur

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Ces trois dimensions ont des temporalités différentes. Le bien-être émotionnel s’inscrit dans le court terme, la satisfaction de la vie dans le moyen terme et le bien-être psychologique davantage dans le long terme.

Une définition personnelle à trouver à partir de ces trois dimensions

Cependant, chaque individu a sa propre représentation du bonheur, laquelle peut être une des trois dimensions ou un mélange de plusieurs d’entre elles. D’ailleurs, au sein même de la psychologie, le concept de bonheur manque encore d’une définition unique et consensuelle. Pour la psychologie hédonique, le bonheur se confond avec le « bien-être subjectif » et englobe le bien-être émotionnel et la satisfaction de la vie. Plus radicale, la psychologie positive considère que le bonheur, qu’elle assimile à l’« épanouissement » (flourishing), ne peut se limiter au seul bien-être subjectif et passe nécessairement par le fonctionnement optimal de l’individu. En cela il nécessite aussi un haut niveau de bien-être psychologique. Celui-ci est atteint lorsque l’individu ressent une plénitude intérieure, avec une sensation d’autonomie dans ses décisions, de contrôle sur son environnement, d’acceptation de soi, de progrès personnel, de connexion avec les autres, de sens à la vie…