TABLE RONDE. Le 26/05/rencontres-parlementaires2016. Mickaël Mangot était aux 6èmes rencontres parlementaires pour la croissance et la consommation pour évoquer en compagnie d’experts et de parlementaires l’impact des nouveaux modes de consommation sur l’économie et le bonheur. Retranscription de son allocution.

À propos de la consommation, les résultats de l’économie du bonheur sont à première vue quelque peu déprimants. La consommation affecte le bonheur, mais à très court terme seulement. Cela vaut aussi pour des biens durables : quand vous achetez une maison, l’impact sur votre bonheur est d’un an maximum. Le comble, c’est qu’il est maximal avant que vous n’achetiez. Pour la voiture, l’impact positif sur le bonheur ressenti n’est que de trois mois.
Les nouvelles pratiques de consommation collaborative peuvent-elles permettre le bonheur ? A priori, oui, avec les expériences de consommations collectives, les consommations pour les autres et tout ce qui permet de nourrir ce bien-être psychologique profond. C’est-à-dire un sentiment d’estime de soi, de connexion aux autres.

Sur le papier, la consommation collaborative a un rôle à jouer, avec la connexion sociale du partage.

Elle nourrit le revenu et le pouvoir d’achat. Nous pouvons aussi y trouver du sens, si nous faisons ce choix de consommation pour vivre en adéquation avec nos valeurs : sobriété, frugalité, circuits courts, partage, impact environnemental réduit, etc.
Nous pouvons aussi gagner en compétences, et en sortir grandis. Ce type de consommation est aussi positif sur la notion de flexibilité et d’autonomie dans sa vie. Le chauffeur Uber choisit quand il travaille.
la consommation collaborative a un rôle à jouer, avec la connexion sociale du partage. Elle nourrit le revenu et le pouvoir d’achat.
Ensuite, au niveau collectif, avec le système de notation, il y a peut-être une dimension nouvelle en matière de construction du capital social. Cela peut donner plus de confiance dans les rapports humains.

Les revers de la consommation collaborative

Il existe néanmoins des bémols. Nous nous sommes aperçu que les plus aisés profitaient davantage de certaines plateformes, notamment celles qui se fondent sur la location d’actifs coûteux. La personne qui voit ses revenus locatifs doubler ou tripler disposait déjà d’un appartement au départ, ce qui n’est pas donné à tout le monde. C’est pourquoi certaines pratiques peuvent creuser encore plus les inégalités de revenus dans la société. L’idée d’une élévation des revenus pour tous est donc discutable. De plus, quand vous louez sur Airbnb, vous remplacez des emplois peu qualifiés de l’hôtellerie, et mettez éventuellement des personnes au chômage.
Concernant la connexion sociale, certaines études de sociologues sur les liens nourris par les pratiques collaboratives montrent un certain désenchantement, notamment chez les membres initiaux. Par exemple, une étude sur le couchsurfing indique que ses premiers membres, inscrits au départ pour partager, se sentent frustrés par l’arrivée de nouveaux membres motivés par des raisons purement économiques. Ces changements de motivations peuvent représenter une limite à la connexion sociale.
Ces nouveaux modes de consommation nous amènent à marchandiser des zones de notre vie jusque-là sanctuarisées.

Le dernier bémol est que ces nouveaux modes de consommation nous amènent à marchandiser des zones de notre vie jusque-là sanctuarisées. Voulons-nous agir en tant qu’« homo economicus » dans toutes les dimensions de notre vie ? Cette création de la correspondance entre le temps et l’argent nous empêche de profiter des activités gratuites, qui font le sel de la vie. Une autre étude montre que de nombreux utilisateurs de ces plateformes sentent qu’ils deviennent cupides. L’exemple le plus marquant est l’aigreur d’une grand-mère qui n’avait pas pu louer deux chambres de son appartement, au moment d’une manifestation importante, parce que sa fille était venue lui rendre visite avec ses enfants.
En conclusion, l’économie a un double impact sur notre bonheur. D’un côté, cela nous rend plus riches, mais, de l’autre, cela ancre un raisonnement qui nous empêche de profiter des moments gratuits de la vie. Je crois qu’il en va de même pour l’économie collaborative. Il faut donc réfléchir aux conséquences psychologiques de ces nouveaux modes de consommation.